Luca Cambiaso (1527 Moneglia - 1585 L'Escorial)
1570 - 1580
Plume, encre brune et lavis brun, trait d’encadrement ; inscription « lucha cambiaxio Pittore genoze » à la plume et encre brune au revers ; 27,7 x 19,2 cm
Provenance :
Mortimer Brandt (marque de collection au revers) ; New York, Sotheby’s, 21 janvier 2004 ; Edward Backer ; New York, Sotheby’s, 27 janvier 2010.
Exposition :
Luca Cambiaso Drawings (New York, Finch College Museum of Art, 1967-1968) ; Old Master Drawings from a private collection (Baltimore, Museum of Art, 1986) ; Dessins italiens de la Renaissance (Caen, Musée des Beaux-Arts, 2011).
Bibliographie :
Jerrold B. Lanes, « Current and forthcoming exhibitions », Burlington Magazine, vol.CX, février 1968.
Bibliographie comparative : Luca Cambiaso : un maestro del Cinquecento europeo (Gênes, Palazzo ducale, 2007) ; Luca Cambiaso (Paris, Musée du Louvre, Cabinet des dessins, 2010).
Après Venise, puis Anvers, Gênes est de 1550 à 1620 environ le premier port d’Europe. Fernand Braudel parle de cette période comme du « siècle des Génois ». C’est dans la première génération de cet âge d’or, qui coïncidait avec la Contre-Réforme, la reconquête des âmes voulue par le Concile de Trente (1545-1563), que s’épanouit l’art de Luca Cambiaso. Le Louvre a exposé, en 2010, les dessins en sa possession de cet artiste à la très forte personnalité, peintre un peu gauche parfois, mais graphiste génial.
Ce dessin a pu être copié dans l’atelier, à titre d’exercice. On en connaît en effet trois versions nettement inférieures (Florence, Galleria degli Uffizi ; Leipzig, Museum für Bildende Künste ; Londres, Courtauld Institute). Il renouvelle l’image traditionnelle, « raphaélesque », de la Sainte Famille, et frappe par son réalisme (il pourrait aussi bien s’intituler La Famille d’un artisan), sa finesse psychologique (la tendresse qui unit les personnages à droite, et la fatigue visible de saint Joseph), et sa technique très sûre.
Comme l’écrit le catalogue de l’exposition de Caen, « Cambiaso fait preuve ici d’une exceptionnelle maîtrise graphique, car il intègre à sa manière de géométriser les figures la recherche d’effets chromatiques à travers les touches de lavis d’intensité différente ». Ce style qualifié parfois de cubiste annonce en fait le caravagisme et les « peintres de la réalité ». On retrouve cette définition des formes par la lumière, et cette expression du sentiment par les attitudes, dans le chef-d’œuvre de Cambiaso, la Vierge à la chandelle du Palazzo Bianco à Gênes, ce qui conduit à dater aussi notre dessin des années 1570.
De ce dessin, Jerrold B. Lanes, éditeur de l’Art Quarterly, écrivait en 1968 qu’il était le plus beau de ceux de Cambiaso conservés en Amérique. Il est à la fois le témoignage de l’idéologie visuelle de la Contre-Réforme, en même temps que du passage de l’idéalisme au réalisme ; et la preuve que Cambiaso fut plus qu’un artiste original, un précurseur. Une autre feuille joue génialement du lavis et d’un regard d’enfant : la Femme séchant un linge devant l’âtre, d’Annibale Carracci (New York, Metropolitan Museum). Elle date des années 1580, quelque dix ans plus tard…