Domenico Cresti, Il Passignano (1559 Florence - 1638 Florence)
1605 (vers)
Craie noire, plume et encre noire, lavis d'encre brune sur papier, 28,2 x 14.8 cm
Provenance :
Rome, possiblement Bartolomeo Cavaceppi (1716-1799) ; Vincenzo Pacetti (1746-circa 1820) ; Rome, Michelangelo Pacetti (1793-1855), sa marque (Lugt 2057) ; Berlin, Gustav Waagen pour les Staatliche Museen, en 1843 ; Berlin, Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin (Lugt 4958) ; Toronto, probablement Theodore Allen Heinrich (1910-1981) ; USA, collection privée ; New York, Christie's, 1er février 2024.
Exhibitions :
Yvonne Tan Bunzl, London (Master Drawings, 1994, no. 20, ill.)
Passignano, d'origine toscane, travailla tant à Florence qu'à Venise (de 1582 à 1588) et Rome (de 1602 à 1616). Le pape Clément VIII lui passa commande pour Saint Pierre, le cardinal Maffeo Babrberini (plus tard Urbain VIII) pour la chapelle familiale à Sant'Andrea della Valle, les héritiers de Michel-Ange pour la Casa Buonarotti et même Marie de Médicis pour le Cabinet Doré du Palais du Luxembourg. Ce fut donc, à cheval sur le 16ème et le 17ème siècle, un peintre à succès, certes inégal parce que très sollicité, mais dont on peut admirer dans ce dessin la solidité de la composition, la netteté de l'espace, la vibration de la ligne et l'efficacité du lavis. La technique rappelle Ferderico Zuccaro, le maître qui a le plus marqué Passignano.
Le style ne se laisse pas facilement définir, certes maniériste, mais sans outrance, ou proto-baroque.
Le sujet s'y prête, dans une iconographie renouvelée par la Contre-Réforme qui exaltait en saint Michel le combattant du dogme contre l'hérésie protestante. L'opposition est nette entre saint Michel planant à la verticale dans la lumière et les démons à l'horizontale chutant dans les flammes et l'obscurité.
Passignano avait quelque raison d'être obsédé par saint Michel (le prénom de son père). L'abbaye de son village natal, dans le Chianti, était dédiée à l'archange. Il en décora la chapelle majeure en 1601 incluant une grande toile de même sujet mais où les démons sont à terre et saint Michel dans une posture inverse, avançant vers la droite, de même que dans un dessin préparatoire au crayon noir, conservé à la Biblioteca Marucelliana de Florence.
Puis en 1602 la voûte du presbytère du dôme de Pistoia mais dans une composition différente, au format horizontal.
C'est plus probablement à Rome qu'il conçut ce dessin dont l'iconographie rappelle les compositions de Cesari, le Cavalier d'Arpin. Lorsque Passignano reçut commande en 1604 du décor de la chapelle Barberini à Sant'Andrea della Valle, dédiée à la Vierge (dont une Assomption qui n'est pas sans rapport, stylistiquement, avec ce dessin), Pomarancio, d'origine toscane aussi, reçut commande de la chapelle Rucellai, adjacente et dédiée à saint Michel. Le tableau d'autel n'en est plus connu que par une gravure de Philippe Thomassin qui dénote une inspiration comparable. On peut imaginer Passignano émulant son compatriote et voisin de chantier...
Cette datation de 1605 semble confirmée par une caractéristique amusante de ce dessin qu'il est plus aisé de noter après qu'une grande toile de Passignano, signée et datée de 1600, eut obtenu un prix record en 2017 (Sotheby's New York, 25 janvier 2017): l'allure, la posture et la musculature des anges rebelles sont proches de celles des Baigneurs à San Niccolo... sauf qu'ils plongent dans les flammes de l'enfer et non les eaux de l'Arno.