Adriaen van de Velde (1636 Amsterdam - 1672 Amsterdam)
1667 (vers)
Crayon noir, rehauts de blanc, sur papier préparé jaune-orange ; 11 x 10,4 cm
Provenance :
Amsterdam, collection Juli et Andrew Wieg ; New York, Sotheby's, 27 janvier 2021.
Van Hoogstraten, l'élève de Rembrandt qui fut aussi le deuxième historiographe de la peinture néerlandaise après Van Mander en 1604, écrit en 1678 que « l'art, après l'iconoclasme du siècle dernier, n'a pas été complètement anéanti en Hollande, même si la voie la meilleure, la peinture d'église, s'est refermée, et que la plupart des peintres se sont spécialisés dans des sujets mineurs ».
Le raccourci paraît brutal. Mais il est vrai que les peintres hollandais deviennent au 17ème siècle, à la glorieuse exception de Rembrandt, « peintre de » : portraits, marines, paysages, natures mortes, scènes de genre... C'est moins, d'ailleurs, une conséquence de l'iconoclasme qu'un « phénomène de marché ».
Le père et le frère aîné d'Adriaen, Willem l'ancien et Willem le jeune, sont peintres de marines. Adriaen possède une forte personnalité qui lui a permis, quoique mort à 35 ans, d'imposer sa marque dans le paysage. Il s'est aussi converti au catholicisme lors de son mariage en 1657, et peint quelques rares tableaux d’église pour le culte catholique semi-clandestin.
Le plus connu est L'Annonciation (1667) du Rijkmuseum d'Amsterdam, au style classicisant. La colombe de l'Esprit Saint, et son escorte de lumière, en sont inexplicablement absents, l'Ange semble presque embarrassé, comme de devoir excuser ce retard, et la Vierge, au contraire, parfaitement maîtresse d'elle-même.
Or si la graphie du dessin est bien celle d'Adriaen Van de Velde (par comparaison notamment avec l'Apparition de l'Ange aux Bergers du British Museum), le style en est étonnamment baroque et la composition très différente de la peinture. La colombe est bien présente, la lumière coule à flots, l'Ange déclame son couplet et la Vierge semble authentiquement surprise. On est paradoxalement plus proche de L'Annonciation de Rubens (1628) aujourd'hui à la Rubenshuis d'Anvers mais qui, du vivant d'Adriaen Van de Velde, se trouvait en Espagne. Peut-être en connaissait-il un produit dérivé tel que l'illustration de Jean Collaert III dans le Missale Romanum (missel romain).
Il est fascinant d'observer ici comment un grand artiste, dans l'exercice du dessin où ne le contraignent ni les exigences du lieu, ni les techniques de la peinture, adapte librement son style au propos de l’œuvre. L'idiome artistique de la foi catholique, à cette époque, est le baroque et ce dessin s'y conforme. Mais la réalité du culte, confiné dans les greniers des hôtels particuliers d'Amsterdam, l'incite à plus de retenue, au prix d'une certaine maladresse, dans l'exécution de la peinture.