Maître du Retable de saint Antoine de Kempen
1530 (vers)
Huile sur bois ; 45,1 x 50,2 cm
Provenance :
Collection privée, avant 1930 ; Amsterdam, Sotheby’s, 30 novembre 2010 ; Paris, collection Le Polyptyque ; Bruxelles, collection privée ; Vienne, Dorotheum, 24 avril 2018.
Bibliographie :
Godehard Hoffmann, « Das Antwerpener Antonius Retabel in Kempen », Wallraf-Richartz Jahrbuch, 2007.
Peter van den Brink, directeur des musées d’Aix-la-Chapelle, identifie l’auteur de ce tableau à celui des volets peints du Retable de saint Antoine dans l’église de Kempen, petite cité allemande à proximité des Pays-Bas. Il voit en lui un disciple de Jan van Dornicke (alias le Maître de 1518), l’un des principaux maniéristes anversois. Pourtant, ce qui séduit ici est plutôt la simplicité de la scène, le soin de la composition, l’harmonie de la couleur. Le maniérisme anversois est au début du 16ème siècle une mode que tous adoptent, et qui s’exporte, mais ne prend pas vraiment, ou pas longtemps.
Certes, le peintre emprunte le rocher de droite au volet droit du Triptyque de la Crucifixion de Jan van Dornicke (1520) du musée de Sao Paulo. Mais il emprunte le rocher de gauche à l’arrière-plan de la Nativité d’Adrien Isenbrant (vers 1520-1530) du musée de Bâle : une œuvre brugeoise et anti-maniériste…. Et finalement paie sa dette à leur maître commun, Gérard David, dont il retrouve la concentration et la simplicité. En somme il saute une génération, la marque d’un caractère récessif… mais non rétrograde, car au passage il s’inspire, pour le personnage de saint Paul, de la gravure d’Adam et Ève par Lucas de Leyde (1508). Donner au premier ermite la posture du premier homme, est-ce un clin d’œil?
Saint Antoine Abbé, guérisseur des maladies infectieuses, notamment des maladies de peau, était souvent représenté au Moyen-Âge et à la Renaissance. Plus souvent la tentation de saint Antoine, avec diables et prostituées, que la rencontre de saint Antoine et saint Paul Ermite, plus austère… D’après la Vie de saint Paul Ermite écrite au quatrième siècle par saint Jérôme et reprise dans la Légende dorée, Saint Antoine lui rend visite dans le désert égyptien (ici résumé à un paysage sans habitation). Ils s’assoient au bord d’une source. Un corbeau leur apporte un pain. Saint Paul explique que d’ordinaire le corbeau n’apporte qu’une moitié de pain... Plus tard, saint Antoine revient enterrer saint Paul. Deux lions creusent la tombe. Les deux scènes sont ici représentées sur deux plans différents, la différence dans l’espace se substituant à la différence dans le temps.
Le panneau ne semble pas avoir fait partie d’un retable et est en bon état, laissant apparaître par endroits le dessin sous-jacent. Loin de la vision hallucinée qu’offre de la même scène le Retable d’Issenheim de Grünewald (1515) au musée de Colmar, nous avons ici une narration modeste et précise : peut-être la commande d’un clerc désireux, dans le contexte, si puissamment restitué par L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar, de la diffusion de la Réforme et de l’éclosion de l’anabaptisme dans le bassin rhénan, de se « ressourcer »…