Balthasar Klossowski de Rola, dit Balthus (1908 Paris - 2001 La Rossinière)
1937
Encre et stylo ; 26,8 x 20,7 cm
Provenance :
Chicago, collection privée ; Palm Beach, collection privée, par descendance ; Londres, Sotheby's, 2 mars 2017 ; Paris, collection Le Polyptyque ; Paris, collection privée.
Exposition :
Drawings by Balthus (New York, E.V. Thaw & Co, 1963, n°24).
Bibliographie :
Virginie Monnier, Jean Clair (dir.), Balthus : catalogue raisonné de l'œuvre complet, Paris, Gallimard, 1999, n° D.467 (reproduit).
Balthus est un peintre rare, qui ne créa qu’un peu plus de 300 tableaux dans une vie qui recouvre presque le vingtième siècle, et marginal : par un métier méticuleux, un attachement obstiné à la figuration, la référence constante à la peinture ancienne. Pourtant Picasso, l’artiste capital, tout son contraire, achète dès 1941 Les Enfants Blanchard, une toile de 1937.
C’est de 1937 également que date ce dessin, préparatoire à La Montagne (New York, Metropolitan Museum) dont Balthus écrira que c’est un « tableau-clé de son œuvre » (lettre à James Thrall Soby, 20 juin 1956). Au centre de ce tableau, immense paysage d’altitude où les personnages se découpent sur la montagne, et la montagne sur le ciel, en trois bandes d’ombre, de lumière et de bleu, figure la même jeune fille, les bras levés, seule à relier la terre au ciel.
C’est en 1937 encore que cette jeune fille et Balthus se marient. Il s’agit d’Antoinette de Watteville, d’une des plus anciennes familles de Berne, qu’il courtisait en vain, lui l’enfant de bohème, depuis des années. Le paysage de La Montagne est d’ailleurs celui, recomposé, de l’Oberland bernois.
Rarement l’expression « sur le vif » sera plus justifiée : quelle vivacité, tout à la fois, dans le geste du modèle et dans celui du dessinateur. Deux différences avec le tableau : elle y est vêtue d’une robe paysanne (un sac en bandoulière) qui ne laisse plus rien paraître du galbe fessier ; et baisse légèrement la tête, tournée vers le spectateur, sans le regarder vraiment. Elle en est moins vive, plus mystérieuse.
Il y a dans ce dessin comme une réminiscence de Rembrandt « croquant » Saskia sa jeune femme. Et plus étrangement, une graphie qui n’est pas sans rappeler Giacometti dans ses copies du passé. Balthus avait rencontré Giacometti peu de temps auparavant, nouant une amitié qui durerait trente ans, nourrie de leurs différences et de leur commun amour de l’art.