Pierre Bonnard (1867 Fontenay-aux-Roses - 1947 Le Cannet)
1905
Huile sur panneau ; signé « Bonnard » en bas à gauche ; 36,7 x 45,7 cm
Provenance :
Paris, galerie Bernheim-Jeune ; New York, collection Sam Salz ; New York, collection privée ; New York, Sotheby's, 15 novembre 2016 ; Paris, collection Le Polyptyque ; Paris, collection privée
Exposition :
Bonnard (Paris, Bernheim-Jeune, 1906, n° 9, Jeune femme et chien couché) ; Bonnard (Zurich, Kunsthaus, 1949, n° 39) ; Gauguin et ses amis (Paris, galerie Kléber, 1949) ; Roussel, Bonnard, Vuillard (Londres, Marlborough Gallery, 1954) ; Paris 1900 (Vevey, Musée Jenisch, 1954, n° 7) ; Bonnard (Paris, Maison de la Pensée Française, 1955, n° 11) ; Bonnard, Roussel, Vuillard (Paris, galerie Huguette Bérès, 1957, n° 15).
Bibliographie :
Jean Dauberville, Henry Dauberville, Catalogue raisonné de l'œuvre peint de Bonnard, 1888-1905, vol. I, Paris, Editions J. et H. Bernheim-Jeune, 1966, n° 341.
1905 est une année charnière, et Paris plus que jamais la capitale des arts. Au Salon d’automne éclot le fauvisme mais Bonnard (qui fera sa première exposition personnelle l’année suivante à la galerie Bernheim-Jeune) suit sa voie, qui est autre. Dans son compte-rendu de La Gazette des Arts, André Gide remarque : « Plus d’esprit, plus d’espièglerie même, que de raison, fait de chacune [de ses toiles] quelque chose de bizarrement neuf et d’excitant (...). Qu’il peigne un omnibus, un chien, un chat, une escabelle, la touche même est polissonne. »
C’est bien ce qu’on ressent ici devant un chien, une chaise-longue, et une jeune femme, une enfant presque, où l’on hésite à reconnaître Marthe, sa compagne (peut-être Renée, sa nièce). Le chien Black, l’épagneul du ménage, est plus reconnaissable, et presque plus vivant. Comme l’écrira joliment Thadée Natanson (Peints à leur tour, Paris, 1948), Bonnard « n’était pas misanthrope mais préférait les animaux ».
La touche, remarquablement préservée sur ce carton jamais restauré, vibre de la même ardeur que plus tard celle de Rothko, plus tôt celle de Goya, que Bonnard a regardé en 1901 et en 1905 encore, lors de deux voyages à Madrid. L’espièglerie ressort de la simplicité même de la composition, des deux formes convexes de la jeune femme et de la chaise-longue, sur un fond de rectangles, le plancher, le mur, découpés par la lumière.
Paris à la Belle Epoque est aussi la capitale du théâtre. On fait appel aux peintres, aux Nabis en particulier, pour la décoration des salles, la création des décors, l’édition des affiches. C’est comme sur une scène que se noue le dialogue muet de la jeune femme et du chien, dans un intimisme – marque des Nabis et particulièrement de Bonnard et de Vuillard – qui paradoxalement se donne à voir ; sous la forme, en quelque sorte, d’une « peinture de boulevard ».
Sam Salz vendit ce tableau en 1965 à un collectionneur dans la famille duquel il resta plus d’un demi-siècle. Né à Vienne, où il avait étudié les beaux-arts, il s’installa à Paris après la Première Guerre mondiale, travaillant avec Vollard et Bernheim-Jeune, puis à New York en 1938. Il devint l’un des plus grands marchands américains, en même temps que collectionneur (il exposait dans sa town house de l’Upper East Side), comptant parmi ses clients Henry Ford II, Paul Mellon et David Rockefeller.