André Derain (1880 Chatou - 1954 Garches)
1904 - 1905
Huile sur toile ; signé « aDerain » en bas à droite ; 56,5 x 44,7 cm
Provenance :
Paris, collection Ambroise Vollard ; Paris, collection Marcel Demierre ; Enghien, Hôtel des Ventes, 21 juin 1989 ; Londres, Sotheby’s, 1er mars 2018.
Exposition :
Fauves and Expressionists (New York, Leonard Hutton Galleries, 1968) ; Peintres français (Genève, Galerie des Théâtres, 1969) ; André Derain (Tokyo, Takashimaya Art Gallery, 1981).
Bibliographie :
Michel Kellerman, André Derain : catalogue raisonné de l'œuvre peint, vol. I, Paris, Éditions Galerie Schmit, 1992, no. 264.
Le catalogue de la récente exposition Derain 1904-1914 au Centre Pompidou s’ouvrait sur une citation de Gertrude Stein qui voyait en Derain « le Christophe Colomb de l’art moderne », le découvreur d’un continent pré-cubiste dont Braque et Picasso auraient entrepris la conquête. En fait, et c’est John Golding qui l’a le mieux résumé dans Le Cubisme, Derain joua le rôle d’un passeur entre Cézanne d’abord, puis l’art « primitif », et l’art moderne.
Le même catalogue relevait les datations « parfois imprécises » du catalogue raisonné. Celui-ci date la Nature morte au pichet bleu « vers 1901 », tandis qu’elle a été exposée deux fois comme datant de 1904-1905 et une fois de 1907. C’est la date de 1904-1905 que nous proposons de retenir, en fonction du style.
En septembre 1904, Derain, vingt-quatre ans, revient du service militaire et s’adonne définitivement à la peinture. Au Salon d’automne, en octobre-novembre, sont exposées 31 toiles de Cézanne, dont la plupart appartiennent à Ambroise Vollard, le marchand et collectionneur qui sera d’ailleurs le premier propriétaire du tableau. Roger Marx, immense critique et premier apôtre des modernes, écrit dans La Gazette des Beaux-Arts que Cézanne « confère aux fruits, aux fleurs, aux objets usuels une réalité, un relief extra-ordinaire ; ici les dons du coloriste arrivent à une telle intensité d’expression que la peinture semble n’avoir jamais mieux manifesté la puissance d’animation du génie humain ».
Leçon ici magnifiquement reprise par Derain, avec au surplus cette audace, qui recevra, l’année suivante au même Salon d’automne, le qualificatif de « fauve » : l’exubérance de la couleur, la virulence du trait.
La radicalité de cette toile, dans un remarquable état de conservation, continue de fasciner comme au premier jour. C'est une très belle méditation sur la peinture dans le regard d'un jeune homme sur le point de consacrer sa vie à la création.