Robert Delaunay (1885 Paris - 1941 Montpellier)
1904
Huile sur toile ; signée et datée « Robert Delaunay 04 » en bas au centre ; 64,3 x 80,8 cm
Provenance :
Paris, collection Sonia Delaunay ; collection privée européenne ; New York, Sotheby’s, 6 mai 2010 ; Paris, collection Le Polyptyque ; Paris, collection privée.
Exposition :
Salon des Indépendants (Paris, Grandes Serres de la Ville, 1905) ; Le début du siècle aux Indépendants (Paris, Grand Palais, 1967) ; Sonia et Robert Delaunay (Tokyo, Musée National d'Art Moderne) ; De Cézanne à Matisse (Paris, Salon d’Automne, Grand Palais, 1983) ; Robert Delaunay (Cologne, galerie Gmurzynska, 1983).
Bibliographie :
Guy Habasque, Du Cubisme à l’Art Abstrait, Paris, S.E.V.P.E.N., 1957 (n°3).
En 1904, Robert Delaunay n’a que dix-neuf ans mais (il n’est qu’à voir sa signature) une vocation de peintre affirmée, revendiquée. Il deviendra, très vite, un des pionniers de l’art moderne.
Deux ans plus tôt, ce fils de la bourgeoisie parisienne a quitté le lycée où il dessinait en cachette ses premiers pastels pour rejoindre les ateliers du décorateur de théâtre Eugène Ronsin. Il s’y est initié non seulement à la peinture décorative mais aussi à la perspective scénique et aux jeux de lumière.
Pendant l'été 1904 il séjourne chez sa tante Marie Damour au Petit Moulin des Vaux de Cernay. un peu plus loin, il découvre au milieu des bois, le Lavoir de la Source aux Fées ici représenté (et restauré cent ans plus tard exactement en 2004)
En 1903, il a peint Les Bords de la Yèvre (Paris, Musée National d’Art Moderne), d’un format et d’une composition très proches, mais d’une veine post-impressionniste très sage encore. Au contraire notre tableau, exposé en 1905 au Salon des Indépendants (le même où Matisse exposait Luxe, calme et volupté), explore le contraste simultané des couleurs dans une gamme dominée par le bleu, le jaune et le vert qu’on retrouvera dans les œuvres de la maturité.
Jean Cassou retraçait ainsi le parcours de Delaunay : « Ses premières amours avaient été pour le divisionnisme, il avait lu Chevreul. (…) Il cherchait non un principe rationnel, mais un élément cosmique. Cet élément fut la lumière. (…) Et cette action de la lumière bouleverse la réalité, la brise, la remue. Les cubistes étant géomètres et analystes, c'était leur intellect qui découpait les choses. Pour l'instinctif Delaunay, c'était la lumière, et elle même se découpe en couleurs. » (catalogue de l'exposition Robert Delaunay, Musée National d'Art Moderne, 1957).
Ici effectivement la lumière « bouleverse la réalité ». S’y ajoute un remarquable effet de perspective en plongée vers le lavoir. Il en résulte pour le spectateur une sensation de vertige, comme si la scène tournoyait sur son axe, le rocher du premier plan, sous un éclairage stroboscopique.