Eugène Boudin (1824 Honfleur - 1898 Deauville)
1890
Huile sur toile ; signé, situé et daté « E. Boudin, Berck, Juin » en bas à gauche ; 36,2 x 58,7 cm
Provenance :
Philadelphie, collection Jack Dorrance ; Philadelphie, collection Dorrance H. Hamilton ; Philadelphie, Freeman's, 29 avril 2018 ; Paris, collection Le Polyptyque ; Paris, collection privée.
Exposition :
By The Sea : Paintings by Eugène Boudin & His Fellow Impressionists (Philadelphie, The Philadelphia Museum of Art, 1991).
Bibliographie :
Robert Schmit, Catalogue raisonné de l'œuvre peint d'Eugène Boudin, vol. III, Paris, Éditions Galerie Schmit, 1973, no. 2632.
En 1890, Boudin est enfin (il a soixante-six ans), un peintre « établi ». Depuis 1881, Durand-Ruel est son marchand, qui l’expose jusqu’aux Etats-Unis, et en 1889, il a gagné une médaille d’or à l’Exposition universelle.
Après les scènes de plage, par lesquelles il avait d’abord cherché le succès, après les vues de port (Anvers, Bordeaux) qui ponctuaient ses premiers voyages hors de Bretagne ou de Normandie, il s’attache paradoxalement à des sujets plus humbles, dans une veine plus franchement impressionniste, mais aussi naturaliste.
Ainsi cette vue de plage de Berck fait-elle une part égale aux cabines des vacanciers et aux bateaux de pêche, à la femme en villégiature se protégeant de son ombrelle et à la femme de pêcheur reconnaissable à son bonnet blanc. Derrière celle-ci, un bateau typiquement berckois, à fond plat, très large à l’avant (où se situait le mât), muni à l’arrière d’un portique (la miche) sur lequel on pouvait rabattre le mât et d’un arceau (l’overloppe) sur lequel coulissait, d’un bord à l’autre, l’écoute de grand-voile.
Le ciel prend la place la plus importante, presque les trois-quarts du tableau, et contribue, avec la plage, à le structurer en trois bandes horizontales d’un bleu, gris et jaune également pâles et néanmoins lumineux. En 1865, après une visite au Louvre, le peintre notait dans ses Carnets, à propos de Guardi : « Légèreté de leur exécution. Esprit de la touche jusque dans les moindres détails » et se proposait comme objectif « le souvenir du Guardi avec un accent plus nature ». C’est exactement ce qu’il réussit ici, mais on peut penser aussi, dans l’art d’aujourd’hui, aux bandes de couleur de Sean Scully...
Ce tableau est resté de 1965 à 2018 dans la famille Dorrance, actionnaire de Campbell Soup : d’abord « Jack » Dorrance, président de l’entreprise de 1962 à 1984 et du Philadelphia Museum of Art de 1986 à son décès en 1989 ; puis « Dodo » Hamilton, sa nièce horticultrice, milliardaire et philanthrope.