Henri Fantin-Latour (1836 Grenoble - 1904 Buré)
1861
Huile sur toile ; signé et daté « Fantin 61 » en haut à gauche ; 24,7 x 41,8 cm
Provenance :
Paris, collection Paul-Arthur Chéramy ; Paris, Galerie Georges Petit, 6 mai 1908 ; Paris, collection Eva de Basily-Callimaki ; Paris, Hôtel Drouot, 12 novembre 1913 ; Paris, Julien Tempelaere ; Paris, Alfred Daber ; Paris, collection Lana Marconi (en 1957) ; Paris, Ader Picard Tajan, 2 mars 1978 ; Paris, Galerie Schmit ; Dallas, collection privée ; New York, Christie’s, 14 mai 2019 ; Paris, collection Le Polyptyque ; Paris, Fondation Custodia
Exposition :
Fantin-Latour (Londres, The Lefevre Gallery, 1934, n° 4, titré L’Atelier de l’Artiste) ; Fantin-Latour (Amsterdam, Kunsthandel Huinck & Scherjon N.V., 1935, n° 7) ; Centenaire de Henri Fantin-Latour (Grenoble, Musée-bibliothèque, 1936, p. 2, n° 45) ; Aspects de la peinture française, XIXe-XXe siècles (Paris, Galerie Schmit, 1978, p. 29, n° 27, reproduit) ; Impressionist and Modern Masters in Dallas : Monet to Mondrian (Dallas, Dallas Museum of Art, 1989, n° 34, reproduit).
Bibliographie :
Julius Meier-Graefe, Erich Klossowski, La collection Chéramy, catalogue raisonné précédé d’études sur les maîtres principaux de la collection, Munich, R. Piper et Cie, 1908, p. 111, n° 257 (daté 1868 et titré Intérieur d'atelier) ; Mme Fantin-Latour, Catalogue de l’œuvre complet de Fantin-Latour, Paris, Henri Floury, 1911, p. 26, n° 181.
Bibliographie comparative : Laure Dalon (dir.), Fantin-Latour, à fleur de peau, Paris, Musée du Luxembourg, 2016 - 2017.
L’introduction au catalogue de l’exposition Fantin-Latour au Musée du Luxembourg, en 2016-2017, notait « la lumière si particulière qui donne son unité à la carrière de Fantin-Latour, cette harmonie de couleurs subtilement assourdies », et le parallèle avec le peintre danois Vilhelm Hammershøi : « se jouant des motifs offerts par les intérieurs comme les angles de pièce, les portes moulurées ou les lambris, qui comme chez Fantin avec les tableaux en arrière-plan sont autant de formes géométriques structurant la composition et participant à une atmosphère sourde et silencieuse. » On pense aussi à Giorgio Morandi. Que font là ces objets ? Ils font tableau, et cela suffit. La modernité de Fantin-Latour est d’autant plus stupéfiante, naturelle aussi, qu’il est à ses débuts. Il a vingt-cinq ans et partage l’atelier de son père 31 rue de Beaune. Hammershøi n’est pas encore né...
Les natures mortes de Fantin-Latour font écho à sa conviction très flaubertienne que « l’art demande tous les sacrifices, l’art est en-dehors de la vie », comme il l’écrit en octobre 1861 au graveur anglais Edwin Edwards (Adolphe Jullien, Fantin-Latour, Paris, 1909). Le sacrifice est ici celui du peintre dont la chaise reste vide – une symbolique présente aussi dans la tradition bouddhique, chez Van Gogh (à nouveau, une génération plus tard...) et bien sûr en politique – et dont la toile ne montre que le revers. Comme Flaubert écrit (à Alfred Le Poittevin, septembre 1845) « pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps », Fantin-Latour dira que « les choses les plus banales en apparence ont un caractère intéressant » (Zacharie Astruc, Les Dieux en voyage, Paris, 1889).
Ce tableau jamais retouché jouit d’une riche provenance. Paul-Arthur Chéramy, un avoué parisien, fut un des grands collectionneurs de la fin du 19ème siècle. Eva de Basily-Callimaki, fille d’un diplomate roumain, épouse d’un diplomate russe, avait été une amie du peintre, qui la portraitura en 1879 et de nouveau en 1881, comme aussi de Rodin et du compositeur Ernest Chausson. Lana Marconi fut l’interprète (Marie-Antoinette dans Si Versailles m’était conté), la troisième épouse et finalement la veuve de Sacha Guitry.