Claude Vignon (1593 Tours - 1670 Paris)
1640 (vers)
Sanguine et pierre noire ; annoté sur le montage « CAMA Rugby School Art Museum e.d. Matt. H. Bloxam » en bas à droite et « Claude Vignon 1630 / French A. D. 1590-1670 » en bas à gauche ; 32,3 x 21,3 cm
Provenance :
Rugby, collection Matthew Holbecke Bloxam ; Rugby, Rugby School Art Museum (vers 1888) ; Londres, Christie’s, 4 décembre 2018.
Bibliographie :
Jeanne Lejeaux, « Charles Poërson, 1609-1667, and the Tapestries of the Life of the Virgin in the Strasbourg Cathedral », Gazette des Beaux-Arts, vol. XXX, juillet 1946, pp. 24-26, figs. 5, 6. (reproduit) ; Pierre Rosenberg, « Some drawings by Claude Vignon », dans Master Drawings, vol. IV, n°3, 1966, p. 290 ; Patrick Ramade, « Une source d'inspiration du XVIIe siècle, La Galerie des femmes fortes de Claude Vignon », dans Bulletin des amis du Musée des Beaux-Arts de Rennes, n°3, 1980, p. 25 ; Paola Pacht-Bassani, Claude Vignon, 1593-1670, Paris, Arthéna, 1992, n°440 (reproduit).
Claude Vignon fut avec Simon Vouet le peintre le plus représentatif de ce qu’on appellera l’époque Louis XIII, d’un baroque tempéré, ouvert aux influences (notamment italiennes) mais doté d’une forte personnalité. Son style de riche facture, haut en couleur, séduit autant l’Eglise (particulièrement les Jésuites) que la Cour.
Père et peintre prolifique – ses fils l’assistaient dans l’atelier – ses qualités artistiques sont mieux préservées dans ses dessins, souvent destinés à la gravure, que dans ses œuvres de commande.
De ce dessin Paola Pacht-Bassani écrit justement qu’il est « un très bel exemple de l’art graphique de Vignon dans sa pleine maturité ». Ce fut d’ailleurs le premier dessin de Vignon à être reproduit (dans La Gazette des Beaux-Arts en 1946). Il appartient à une série préparatoire aux vingt planches de La Galerie des Femmes Fortes, un ouvrage du père jésuite Pierre Le Moyne paru en 1647 sous le patronage de la régente Anne d’Autriche.
L’ouvrage du père Le Moyne, et ses illustrations, connurent un succès tel qu’on retrouvera celles-ci sous forme de décors peints ou émaillés, en toute sorte d’endroits et d’objets, dans la deuxième moitié du 17ème siècle.
La thématique des Femmes illustres, ou Femmes fortes (sur le plan moral s’entend, même si Vignon tend à le traduire aussi par leurs caractéristiques physiques), présente chez Plutarque déjà, reprise par Boccace à la fin du 14ème siècle, connut un regain sensible dans la France de la première moitié du 17ème siècle. Y concoururent tout à la fois les deux régences de Marie de Médicis et d’Anne d’Autriche (et la Fronde, où les femmes eurent un rôle de premier plan), l’apport féminin dans la vie intellectuelle et aussi, sans distinction de genre, la thématique « héroïque » qu’illustre Corneille.
Ici Camma, reine de Galatie (en Anatolie centrale, autour de l’actuelle Ankara), est dessinée à la sanguine, d’un trait sûr et appuyé. Elle porte sous un pli de son manteau la coupe de son empoisonnement, et désigne le ciel d’où la regarde et où l’attend son mari assassiné. Ayant feint d’accepter d’épouser son meurtrier, elle a présenté à ce dernier, dans le temple de Diane, la coupe nuptiale et a bu, comme lui, le poison qu’elle y avait mis... La scène est suggérée à la pierre noire, à l’arrière-plan, sous une statue de Diane. A gauche, Camma s’évanouit. A droite, le meurtrier du mari se convulse.
Sept dessins correspondant à des gravures de cette série sont connus, qui tous appartenaient à des musées : y compris, jusqu’à tout récemment, celui-ci, donné au 19ème siècle au musée de la Rugby School par un neveu du peintre et collectionneur Thomas Lawrence. L’avant-dernier à passer en vente (Sotheby’s, Paris 25 mars 2009, n°41) est aujourd’hui au Metropolitan Museum, le dernier est ici...