Jacopo Negretti, dit Palma il Giovane (1548 Venise - 1628 Venise)
1610 (vers)
Pierre noire, plume et encre ; 20,2 x 14,9 cm
Provenance :
Oxford, collection Eric Stanley ; Paris, Christie's, 27 mai 2020.
Après la mort de Tintoret en 1594, Palma Il Giovane devient le peintre le plus recherché de Venise. Ce dessin datable des années 1610 (par comparaison notamment avec le Baptême du Christ de la Morgan Library à New-York annoté 1613) est d'une originalité et d'une qualité rare.
Originalité parce que saint Jean-Baptiste, contemplant l'eau du Jourdain dans laquelle il baptisera le Christ, n'est doté d'aucun de ses attributs habituels. On ne voit ni la peau de bête, ni l'agneau, ni la coupe qui lui sert à se désaltérer et bientôt, à baptiser le Christ – tous les éléments que l'on retrouve dans une gravure de l'artiste dont ce dessin, en sens inverse, pourrait être une première pensée. Ce saint Jean-Baptiste est un avatar chrétien du Narcisse antique, phénomène de remploi subtil et typique de la Renaissance italienne.
Le style toutefois est celui du dernier souffle de cette Renaissance, le maniérisme – et presque déjà le baroque. Palma Il Giovane avait illustré, en 1611, un recueil de modèles anatomiques, De Excellentia et nobilitate delineationis, où se mêlent comme ici la puissance de Michel-Ange et le réalisme des Carracci. Rubens à son retour d'Italie, dans ces mêmes années 1610, pratique aussi ce modelage de la chair d'un réalisme presque gênant qui s'éloigne des canons antiques.
La qualité de la feuille tient à sa fraîcheur (ce qu'on pourrait dire aussi de son bel état de conservation), le trait fluide et la parfaite application du lavis concourant à évoquer l'eau et l'ombre, la roche et le feuillage, une évocation concise et très séduisante de la nature environnant saint Jean.
S'y ajoute une provenance notable puisque ce dessin appartint longtemps à Eric Stanley, successeur de Tolkien à la chaire de littérature médiévale de l'Université d'Oxford. Grand collectionneur de dessins et de gravures, il arpentait, nonagénaire encore, les églises et musées d'Italie à la recherche, comme ici, de l'émotion rare.